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Michel Gondry et Jamel ont commencé à en parler au Festival de Cannes en mai 2011.

Le concept ? Que Monsieur tout le monde puisse, en un délai de 3 heures, écrire un scénario, le titrer, le filmer, le monter et enfin le visionner. Devenir cinéaste d'un jour en quelque sorte.

Le projet de "L'Usine de Films amateurs" est par ailleurs soutenu par la mairie d'Aubervilliers, le département, la région, le ministère de la Culture, le ministère de la ville, ainsi que le Centre Pompidou.

L'initiative avait déjà été mise en place au centre Pompidou et après un passage réussi pendant cet hiver 2011 avec plus de 65 000 visiteurs, et plus de 4500 participants qui ont réalisé 311 films, l'Usine de films amateurs de Michel Gondry s'implantera à Aubervilliers dès mars 2012. Elle s'installera dans une friche industrielle, l'ancienne manufacture d'allumettes Seita de la rue Henri-Barbusse réhabilitée par la mairie : un nouveau décor qui semble s'adapter idéalement au concept de "fabrique" cinématographique populaire où les jeunes des cités alentours pourront venir réapprendre à rêver et pourquoi pas, se découvrir une vocation.

Jamel Debbouze, séduit par la proposition présentée à Beaubourg, est le parrain de cette initiative. Il est, avec Michel Gondry, le membre fondateur d'une association loi 1901 destinée à promouvoir le projet. L'installation itinérante du réalisateur de "Be kind, rewind" accueillie dans les prestigieux centres d'art à New York, Sao Paolo et Paris trouvera donc dans cette commune de Seine-Saint-Denis son port d'attache définitif... mais pas exclusif.

Safia Lebdi, Présidente de la Commission du Film d'Ile-de-France et initiatrice du projet "l'Usine de films amateurs à Aubervilliers", indique qu'une installation à Lille, au sud de la ville, est à venir, tandis qu'une autre est à l'étude dans le cadre de Marseille 2013. Sont aussi évoquées de futures implantations à Moscou et Johannesbourg. Mais si les usines prolifèrent, elles n'engendrent pas pour autant de bénéfices financiers pour Gondry, qui a choisi le format associatif non lucratif pour porter son projet.

Jamel parle "d'une révolution culturelle", évoque avec l'humour qu'on lui adore un pote à lui, "ex-salafiste sorti de Bois d'Arcy" sur qui le projet a fait des miracles et défend plus sérieusement le fait que "dès que l'on met un outil à dispo des jeunes de banlieue, ils s'en servent à bon escient", dressant un rapport entre les centaines de stades de foot et de terrains de basket installés un peu partout dans les cités et la représentation en Equipe de France ou en NBA de jeunes issus de la diversité.

Gondry lui, insiste sur son objectif premier : "rassembler les gens et voir qu'il se passe quelque chose", faire naître dans l'esprit des banlieusards l'idée que le milieu du cinéma peut leur être accessible, leur donner l'impulsion pour les faire rêver à nouveau. Bien évidemment, n'importe qui, quel que soit son âge ou son milieu d'origine peut s'y rendre, l'entrée de l'Usine sera totalement gratuite.

A l'intérieur, du matériel vidéo, des décors de cuisine, d'intérieurs de métro ou de voitures avec des images qui défilent à l'arrière, ciseaux, scotch, feutres. Tout est pensé pour que l'imagination prenne place et se concrétise sur pellicule. Une initiative louable dont on se fait un devoir aujourd'hui de faire écho et qui devrait voir naître plein de mini-Gondry en pagaille !

 


INTERVIEW 1

JEAN-MARIE GALLAIS – Est-ce le film Be Kind Rewind (2008), dans lequel les protagonistes rejouent les films d'un vidéoclub, qui est le point de départ de votre idée de confier aux gens la réalisation d'un film court en totale autonomie ?


MICHEL GONDRY – Ce film et ce projet sont en fait l'aboutissement d'une même réflexion : j'ai toujours eu une sorte de culpabilité en faisant un métier créatif. Je me dis souvent : « Cet ouvrier serait peut-être meilleur réalisateur que moi, s'il avait pu accéder à ce type de métier. » La créativité est trop peu partagée. Et puis lorsque je vivais dans le 13e arrondissement à Paris, il y avait ces petits cinémas, qui ont disparu. J'ai longtemps eu le projet secret de recycler l'une de ces salles en y installant un espace communautaire, où tout le monde aurait pu venir tourner ce qu'il voulait puis le projeter. Cette utopie d'un système autonome, j'ai eu l'opportunité de la concrétiser dans un cadre fictionnel avec Be Kind Rewind. J'ai ensuite voulu passer à la réalité. Le protocole que les gens suivent est conçu pour favoriser la créativité et le système garantit que chacun des participants prenne la parole. C'est une sorte de « socialisme visuel », si on me permet cette expression. Le système empêche les égos de prendre le dessus et garantit l'égalité des participants.

JMG – Qu'attendez-vous particulièrement de la présentation du projet au Centre Pompidou ?

MG – C'est un lieu avec lequel j'ai grandi. Gamin, j'étais fasciné par le « trou » des Halles, et puis tout à coup cette soucoupe volante, le Centre Pompidou, est arrivée, et elle est toujours aussi moderne aujourd'hui… C'est un honneur d'y être invité. Et en même temps, j'ai toujours un peu peur du contexte muséal. Venir d'un certain milieu et se montrer dans un autre, c'est toujours s'exposer aux hostilités. Ce projet peut rencontrer deux écueils : premièrement qu'on le considère comme purement éducatif - or je n'explique absolument pas « comment faire un film » - et deuxièmement être considéré comme « une oeuvre d'art de Michel Gondry », ce qu'il n'est pas du tout.

JMG – Comment le projet est-il conçu pour l'occasion ?

MG – Les décors et accessoires sont adaptés au contexte, avec Paris en arrière-plan, car la structure de verre du Centre nous permet d'ouvrir les décors sur la ville. Ce que j'essaie d'ouvrir aussi, c'est la « fabrique » des films. Avec ce projet, les gens font eux-mêmes leur film, puis prennent du plaisir à le voir parce qu'ils sont dedans, parce qu'ils l'ont fait. C'est une tout autre expérience que de voir un produit qui a été fabriqué, soit par un artiste qui s'exprime, soit par une industrie qui tente de répondre aux attentes supposées du public…

JMG – Vous présentez d'autres cinéastes dans le cadre d'une « Carte blanche » en parallèle de votre rétrospective, qu'avezvous choisi de montrer ?

MG – Des films qui m'ont marqué, pas forcément « influencé », mais inspiré. Comme Le Voyage en ballon, d'Albert Lamorisse (1960), le tout premier film que j'ai vu. Le réalisateur utilise ce voyage comme un pur prétexte pour monter des images aériennes. La caméra censée être sous la nacelle est accrochée sous un hélicoptère, donc il a dû doubler tout le son. Cela crée un décalage étonnant : on voit à l'image les rafales provoquées par les pales de l'hélicoptère, mais on entend les oiseaux chanter ! Ce côté rêveur suscite chez moi le même sentiment à chaque fois que je le revois. On verra aussi d'autres films qui m'ont stimulé : Two Friends, de Jane Campion, Hibernatus, d'Edouard Molinaro ou encore Le voyage en ballon, d'Albert Lamorisse.

Interview pour le Centrepompidou.fr





INTERVIEW 2


Peut-être parmi les cinéastes français contemporains les plus connus de par le monde, Michel Gondry a un parcours pour le moins atypique. Originaire de Versailles, il monte à Paris pour y suivre des études de dessin, tout en jouant de la batterie dans le groupe pop Oui Oui. C'est en « bricolant » les premières vidéos musicales du groupe qu'il trouve sa voie dans l'animation. Ses trouvailles visuelles, son sens du rythme, son imaginaire foisonnant séduisent des musiciens et des groupes comme Björk, Radiohead, les Rolling Stones, IAM (Le MIA), Daft Punk (Around the world)…

De clip en clip sa notoriété grandit et lui permet de tourner son premier long-métrage : Human nature (2001), écrit par le scénariste Charlie Kaufman. Mais c'est sa seconde collaboration avec Charlie Kaufman, Eternal sunshine of the spotless mind, avec Jim Carrey et Kate Winslet, qui lui apporte la consécration (le film remporte deux oscars). Il explorera ensuite des univers très différents, du documentaire intimiste L'Épine dans le cœur, portrait de sa tante institutrice, au blockbuster en 3D The Green hornet, en passant par le poétique La Science des rêves (2005) ou le farfelu Soyez sympa, rembobinez (Be kind rewind).

Le Centre Pompidou à Paris lui a consacré en février et en mars 2011 un hommage mêlant une importante rétrospective (clips, pubs, courts-métrages…), une carte blanche de programmation et la création de L'Usine des films amateurs, un projet qui lui tient à cœur depuis de nombreuses années.
Il nous parle de ce projet avant de dévoiler sa liste de films préférés.


Comment est né le projet de l'Usine des films amateurs ?

C'est une idée que j'ai eu il y a très longtemps, en arrivant à Paris (je venais de Versailles), et en voyant tous ces salles de quartier laissées à l'abandon. J'avais imaginé un système auto-suffisant permettant de faire revivre ces salles : les gens auraient payé non pas pour voir les films de la « grande distribution » mais leurs propres films, qu'ils auraient créé ensemble. Je n'avais pas les moyens de mettre ça en place à l'époque, tout le monde m'aurait pris pour un farfelu. Mais ce projet a nourri, des années plus tard, le scénario de Be kind rewind (Soyez sympas rembobinez) : quand dans la dernière partie du film, c'est tout le quartier qui participe au tournage du petit film sur la vie de Fats Waller, j'ai recréé cette expérience communautaire avec les habitants de la petite ville de Passaic.

Comment s'est constitué le « protocole » qui est à l'œuvre actuellement ?

Il s'est constitué de manière empirique, en testant les méthodes que j'avais imaginées, en voyant ce qui marchait ou pas. Ainsi après Be kind rewind j'ai voulu poursuivre le travail avec les habitants de Passaic qui avaient participé au film, et j'ai constitué une sorte d'atelier d'écriture. Mais je me suis rendu compte que cela ne marchait pas, parce que cela demandait aux gens un investissement sur le long terme : au contraire, il faut que la récompense soit immédiate, que le résultat soit visible tout de suite. Le principe de l'Usine c'est qu'en trois heures un film a été imaginé, écrit et tourné, et tout le monde est là pour voir le résultat à la fin. Les films sont évidemment pleins d'erreurs et de maladresses, mais c'est ça qui fait rigoler tout le monde.
Après, l'ensemble des règles du protocole n'a qu'un seul objectif : créer un espace réellement démocratique, où tout le monde puisse s'exprimer et s'amuser.

Pourquoi ce titre, « l'usine des films amateurs » ?

Les termes sont importants. Il était primordial de dire qu'il ne s'agit ni d'une école de cinéma ni d'une exposition, même si c'est le Centre Pompidou qui nous accueille. Ce n'est pas là que l'on va apprendre à faire du cinéma, et les films n'ont pas de valeur intrinsèque : la seule chose qui importe c'est le plaisir pris ensemble. A New York l'Usine a été accueillie par une galerie d'art, et il y a eu un malentendu. La galerie a invité son réseau de critiques d'art, il y a eu une sorte de vernissage, et les critiques m'ont « allumé » à la sortie. Mais ils n'ont pas compris que le projet ne leur était pas destiné, que le but n'était pas de faire de l'art contemporain.

Le protocole peut-il être transposé ailleurs que dans l'Usine du Centre Pompidou ? Des petites « usines de films amateurs » peuvent-elles essaimer ailleurs ?

Le protocole peut tout à fait être réalisé ailleurs que dans l'Usine. Nous l'avons testé en extérieur, donc sans décor ni accessoire, avec ce que l'on avait sous la main. On a fait ça en banlieue parisienne dans un quartier dit « sensible », avec les jeunes qui avaient été contactés par la MJC locale. Les adolescents étaient assez méfiants, ils le sont toujours par rapport à des gens venus de l'extérieur, ils ont peur du regard que l'on va porter sur eux. Et puis pour me présenter je leur ai dit que j'étais le type qui avait filmé les clips d'IAM ou de Daft Punk, cela a aidé à briser la glace ! Le film a mis du temps à se mettre en route, les garçons n'arrêtaient pas de se chambrer, c'était à qui se moquerait le plus des idées des autres, et puis les filles ont pris les choses en main et la mayonnaise a pris. Ils ont tourné dans l'urgence parce que la nuit tombait, c'était une expérience assez magique.
Quant à décliner le concept, on me l'a proposé mais je suis toujours très réticent : je ne veux surtout pas qu'il soit récupéré à des fins mercantiles ou de communication, parce qu'immanquablement la dimension utopique du projet (la gratuité, le fonctionnement démocratique) serait sacrifiée...
C'est pour cela que je refuse absolument de mettre les films sur internet, comme tout le monde me le propose. L'internet est un outil de communication extraordinaire, c'est aussi un précieux espace de liberté dans les pays non démocratiques. Mais c'est également un univers assez violent : pour un seul projet mis en ligne vous allez générer des centaines de commentaires, dont la plupart ne sont pas bienveillants. Je voulais à tout prix éviter cela : le seul jugement qui importe c'est celui des gens qui ont participé au film.

L'Usine des films amateurs est accompagnée d'une rétrospective de vos œuvres (clips, documentaires, courts-métrages, longs-métrages), mais aussi d'une « carte blanche » qui présente quelques films. Le choix s'avère assez éclectique : Kes de Ken Loach ou un téléfilm – inédit en France – de Jane Campion (Two friends) mais aussi des films très populaires – et souvent diffusés à la télévision – comme Hibernatus avec Louis de Funès ou Le Magnifique de Philippe de Broca… Qu'est-ce qui relie ces films ?


Ce sont tout d'abord des films qui m'ont marqué, inspiré d'une manière ou d'une autre. Par exemple le Belmondo du Magnifique a beaucoup nourri le rôle qu'interprète Seth Rogen dans The Green hornet, mon dernier film. Mais si je réfléchis un peu plus, je crois que ce qui relie ces films c'est la notion de cinéma « populaire » : soit ces films parlent du peuple ou de personnages qui en sont issus, soit ce sont des films qui ont touché ce que l'on appelle le « grand-public ».
Cette dimension populaire est pour moi consubstantielle à l'industrie cinématographique : plus un film coûte cher plus il doit toucher un public large. Quand je réalise The Green hornet pour un grand studio hollywoodien, mon contrat est de faire un film qui va plaire au plus grand nombre : le studio a investi près de cent-soixante millions de dollars, il espère rentrer dans ses frais et si possible gagner de l'argent ! A l'autre extrême l'Usine des films amateurs ne rapporte rien, mais ce n'est pas grave, parce que ça ne coûte pas cher non plus… Je l'avais imaginé comme un système économiquement viable.

La plupart des films que vous avez choisis ne sont pas reconnus comme des chefs d'œuvre de l'histoire du cinéma, comme faisant partie de la cinéphilie « officielle » et reconnue. On a l'impression que vous êtes venu au cinéma par un autre chemin que celui de la cinéphilie…

Je suis venu au cinéma par l'animation : c'est en faisant les clips de mon groupe Oui Oui, dans lequel j'étais batteur, que j'ai commencé. Mes références se situaient plutôt du côté des films d'animation, notamment de l'animation image par image : je pense aux films extraordinaires de Ladislas Starewitch, qui est le pionnier franco-russe de l'animation en volume, ou à la série Collargol qui a beaucoup marqué les gens de ma génération. Et puis après avoir fait plusieurs clips, essayé plusieurs techniques d'animation, j'ai ressenti le besoin de filmer des êtres humains, des corps et des visages. Pour être tout à fait honnête, c'est aussi qu'à la différence des autres membres du groupe j'avais envie de montrer ma trombine à l'écran : quitte à jouer dans un groupe de rock, autant que les filles puissent vous reconnaître dans la rue ! C'est ensuite que j'ai (re)découvert les grands classiques de l'histoire du cinéma, grâce à des amis comme Jean-Louis Bompoint qui me faisaient des listes, me donnaient des cassettes VHS : « Il faut absolument que tu vois ça, c'est formidable ! ».

Vous avez l'image d'un cinéaste extrêmement créatif, inventif, inspiré… Comment parvenez-vous à préserver cette inspiration dans le système hollywoodien, notamment sur un film comme The green hornet, avec les contraintes extrêmement lourdes qu'impose une superproduction ?

Mais c'est le cinéma en général qui impose ces contraintes : il faut gérer une équipe, un budget, un temps de tournage limité ! J'aime beaucoup ce que disait le musicien contemporain John Cage de sa musique : qu'elle s'appuyait sur des structures très rigides, presque mathématiques, mais qu'à l'intérieur de ces structures prévalait une totale liberté. Quand je tourne un film j'essaye d'atteindre cet idéal : créer des petites bulles de chaos à l'intérieur d'une structure très rigoureuse. Pour le dire autrement il faut que le récit avance, parce que sinon le public décroche, mais il faut aussi que dans chaque scène il y ait un peu d'imprévu, de vie, qu'il y ait quelque chose qui « passe » entre les comédiens. Je crois que le travail d'un cinéaste est de savoir allier une grande rigueur à une grande liberté...

Interview pour le Zerodeconduite.net

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CONFERENCE DE PRESSE
Conférence de presse avec Michel Gondry et Jamel au sujet de l'implantation de l'Usine de Films Amateurs à Aubervilliers.