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Alger, 1945. Chassés de leur terre algérienne, trois frères et leur mère sont séparés. Messaoud s’engage en Indochine. A Paris, Abdelkader prend la tête du mouvement pour l’Indépendance de l’Algérie et Said fait fortune dans les bouges et les clubs de boxe de Pigalle. Leur destin, scellé autour de l’amour d’une mère, se mêlera inexorablement à celui d’une nation en lutte pour sa liberté.
Réalisateur : Rachid Bouchareb
Casting : Jamel Debbouze, Bernard Blancan, Roschdy Zem, Sami Bouajila
Genre : Action
Année : 2010
Durée : 2h30
Co-production algéro-franco-belge
Budget : 19,5 millions d'euros
Film français
Distributeur : Studio Canal
Suite du film Indigènes
Tournage
Il a débuté le 27 juillet 2009 pour une durée de 5 mois.
Film tourné à Sétif, Kherrata, et en Algérie, Tunisie, Allemagne, Belgique, France et aux Etats-Unis au siège des Nations unies à New York
12 000 figurants.
La musique de Hors la loi devait en outre être composée par Ennio Moricone.
L'avant-première mondiale aura lieu le 8 mai 2010 à Sétif.
Sortie au cinéma le 22 septembre 2010.
Sortie en DVD le 25 janvier 2011.
Premières photos du film
Casting : Jamel Debbouze, Bernard Blancan, Roschdy Zem, Sami Bouajila
Genre : Action
Année : 2010
Durée : 2h30
Co-production algéro-franco-belge
Budget : 19,5 millions d'euros
Film français
Distributeur : Studio Canal
Suite du film Indigènes
Tournage
Il a débuté le 27 juillet 2009 pour une durée de 5 mois.
Film tourné à Sétif, Kherrata, et en Algérie, Tunisie, Allemagne, Belgique, France et aux Etats-Unis au siège des Nations unies à New York
12 000 figurants.
La musique de Hors la loi devait en outre être composée par Ennio Moricone.
L'avant-première mondiale aura lieu le 8 mai 2010 à Sétif.
Sortie au cinéma le 22 septembre 2010.
Sortie en DVD le 25 janvier 2011.
Premières photos du film
Conférence de Presse lors du Festival de Cannes 2010
A la table, les producteurs Jean Bréhat (France), Tarak Ben Ammar (Tunisie) et Mustapha Orif (Algérie), le réalisateur Rachid Bouchareb et les acteurs Jamel Debbouze, Chafia Boudraa, Sami Bouajila et Roschdy Zem. On trouvera ci-dessous la retranscription intégrale de la conférence qui s'est tenue le 21 mai au Palais des festivals, qui a été modérée par Henri Béhar.
Hugues Dayé (RTBF, chaîne belge en coproduction sur le film) : Monsieur Bouchareb, quel est votre sentiment sur le fait que votre film montré à Cannes suscite autant de remous 50 ans après les faits ?
Rachid Bouchareb : Je ne suis qu'à moitié surpris. Non par tout ce qui a été mis en place pour que la projection se passe bien et dont je voudrais remercier d'abord Thierry Frémaux qui à permis que le film soit là. Je sais qu'il a subi des pressions. Je tenais à le dire. Je suis surpris car ce film est voué à ouvrir un débat dans la sérénité. Il n'est pas un champ de bataille et n'est pas fait pour mettre en place un affrontement. Je savais que du fait du passé colonial, les relations entre la France et l'Algérie restent très tendues. Ça, je le savais. Mais que ça suscite une telle violence autour du film, j'estime que c'est exagéré. Que sans avoir vu le film, on dise autant de choses ! Bon, j'ai été un peu attristé, peiné, car il est là pour ouvrir un débat et qu'enfin tout le monde puisse s'exprimer autour du film et que demain une page se tourne. Pour que la France et l'Algérie trouvent enfin une sérénité. Il n'y a aucune raison que les générations d'après héritent du passé. Il y a un abcès que le film permet aujourd'hui de crever. C'était ma volonté de départ mais les choses se sont enchaînées comme ça. Mais l'abcès est percé. Maintenant ouvrons le débat, dans la sérénité !Tout le monde peut s'exprimer car le passé colonial de la France doit être débattu pour aller vers autre chose. Maintenant, que le film ait été emmené dans cette direction, j'en suis aujourd'hui très content. Mais pour aller où ? Pour aller vers des choses positives. Il y avait eu quelques voix pour dire qu'Indigènes était anti-français mais c'était faux. Le public, qui est allé voir le film et en a fait un succès, a bien vu que rien ne venait confirmer cette fausse rumeur. Cette fois-ci c'est pareil. Qu'on voie le film et qu'on ne dise pas qu'il est anti-français. Le spectateur, qu'il soit Français, Algérien ou du reste du monde, verra bien que dans mon film il n'y a pas du tout d'animosité.
Fatou Kaba (journaliste à Disney Channel) : C'est une question pour Jamel Debbouze.
Jamel Debbouze : J'étais sûr ! Disney Channel ! Que j'étais venu pour faire la polémique ! [rire général] Je vous écoute.
Fatou Kaba : Tu es passionné de boxe dans le film. Est-ce que tu aurais pu envisager une carrière dans ce sport et te sens-tu proches de Saïd, ton personnage ?
Jamel Debbouze : La boxe, j'y ai longtemps pensé. Mais pour des raisons qui me sont propres, j'ai décidé de faire autre chose. Et oui, c'est quelque chose à laquelle j'ai très longtemps pensé, et je ne me souviens plus du reste de la question !
Henri Béhar : Et ce que tu t'identifies au personnage de Saïd ?
Jamel Debbouze : Euh, oui.
Henri Béhar : Mais au-delà de "oui", peux-tu un peu élaborer ?
Jamel Debbouze : C'est ce j'allais faire si tu me laissais faire ! Oui pour plein de raisons car c'est un personnage un petit peu en marge de l'histoire, qui ne rentre pas pleinement dans la Révolution, et je pense que certainement c'est quelque chose que j'aurais choisi de faire personnellement. Parce que ça fait mal, ça pique la Révolution. J'ai vu ce que ça avait fait comme dégâts au sein de cette famille et au sein de nombreuses familles en Algérie et je comprends facilement les gens qui n'ont pas participé à cette bagarre parce que ça les submergeait. Mais en même temps ils n'ont pas eu d'autres alternatives et comme tout le monde, ils ont été pris par les flots de l'Histoire. Je me sens assez proche du personnage pour pleins de raisons : il aime beaucoup sa mère.
Henri Béhar : La question peut aussi être posée aux deux autres frères. Vous identifiez-vous à votre personnage, plus que d'habitude ?
Roschdy Zem : Non, mais c'est vrai que ces trois personnages sont des entités vraiment différentes. Le personnage de Saïd est plutôt intéressé par le monde des affaires, du business. Abdelkader est un personnage que l'on va qualifier d'intellectuel de la famille. Et le mien, c'est le bras armé qui n'hésite pas à supprimer des éléments dérangeants. Donc vous comprenez bien qu'il est difficile pour moi de m'identifier à ce personnage.
Jamel Debbouze : C'est Roschdy qui est en charge de toutes les questions gênantes.
Roschdy Zem : Mais en revanche, c'est parce que j'ai beaucoup de mal à m'identifier que j'ai pris beaucoup de plaisir à l'interpréter. Et toi Sami ?
Sami Bouajila : Non, je ne me sens pas proche de mon personnage. Après, le seul clin d'œil, c'est que Abdelkader a beaucoup de points communs avec l'autre Abdelkader, à savoir cette énergie, cette détermination, cette conscience politique naissante qui va le dépasser, ça c'est quelque chose avec Rachid qu'on a pu continuer.
Emmanuel Mounir (Beur FM) : D'abord je voudrais vous remercier pour ce film scorsesien et coppolien. J'aurais deux questions. Monsieur Bouchareb, comment expliquez-vous que l'Amérique a une réactivité immédiate par rapport à son histoire et que la France, 50 ans après les faits, est toujours d'une grande frilosité.
Rachid Bouchareb : 65 ans pour le début du film.
Emmanuel Mounir : Et quant à vous, Monsieur Bouajila, vous avez endossé un rôle assez politique et je pense à des émotions telles que Denzel Washington dans Malcom X. Il avait dit dans une interview qu'il en ressortait différent, voire grandi, et il disait qu'il y avait un avant et un après Malcom X. Alors pour vous, y a-t-il un avant et un après Abdelkader ?
Sami Bouajila : En toute modestie, Denzel Washington, tout ça, euh, un avant un après, non je ne sais pas ! Bon pour essayer de trouver une divergence avec Monsieur Washington que j'apprécie énormément… Ne nous leurrons pas. Il y a un lien entre nous autres, acteurs d'origine maghrébine, Français, qui sommes nés ici, à travers un film écrit par quelqu'un qui a la même complicité que nous, à savoir la même histoire. Oui, bien évidement qu'inconsciemment, on va trouver des espaces à travers lesquels on va pourvoir se déverser, prendre la parole, s'approprier, fantasmer, dans le sens où quand moi je m'approprie Abdelkader, j'aimerais bien savoir quel son Abdelkader pourrait apporter, toutes proportions gardées, il dégage quelque chose de visionnaire. On aimerait bien nous autres que dans notre société on puisse se servir de notre mixité, de notre métissage comme un atout et non comme quelque chose qui nous tire vers le bas, qui nous plombe, qui ne soit pas compris ou en tout cas qui, pour le moment en tout cas, parasite plus qu'autre chose. Pour ne pas dire stigmatise. Donc quand on a cette unité-là, c'est bien de pouvoir se l'approprier mais toujours au service du personnage, de la situation, du film. Bon après, j'ai le sentiment d'avoir déjà commencé un travail avec cette donne-là, avec l'Abdelkader d'Indigènes. Donc c'est un background sur lequel on se penche et à travers mon travail qui m'a permis aussi de savoir finalement qui l'on est, d'où l'on vient et de notre histoire. Bon et j'ai oublié la question de départ par rapport à Denzel, mais à mon avis c'est ça la différence.
Rachid Bouchareb : C'est intéressant comme question mais c'est peut-être aux sociologues ou à je ne sais quel spécialiste de nous dire pourquoi il y a des difficultés en France un demi-siècle après à faire des voyages dans le passé et pourquoi si souvent il y a des réticences.
Henri Béhar : Tarak Ben Ammar vous avez produit des films dans pratiquement tous les pays du monde et toutes les langues du monde. Avez-vous l'impression que la France est particulièrement réticente par rapport aux autres pays ?
Tarak Ben Ammar : Une minorité en France est réticente. Mais regardons les faits, on est à Cannes, le plus grand festival du monde, c'est la France qui accueille ce film, c'est la France qui l'a cofinancé, coproduit. Cela veut dire que la plupart des gens n'ont pas de problèmes avec le passé. Moi je pense que l'on a eu une polémique équivalente sur le fait que la France allait accueillir La Passion du Christ que j'ai fait et distribué. Ce que l'on a vu comme l'a dit Rachid, c'est que c'est le public qui va nous juger. Et le public sera je pense nombreux. Et qu'est ce qu'on voit ici à cette table ? La grandeur de la France et du Maghreb. Vous avez des Français d'origine marocaine, algérienne, tunisienne. Comme l'a dit Rachid, la plaie de la colonisation est restée pendant longtemps fermée et vous avez les héritiers. Nous avons ici à cette table une grande dame qui est une grande actrice, que la jeunesse ne connaît pas et qui a été une grande militante de la lutte pour la libération algérienne, et son mari est un martyr. Eh bien, elle est là en tant qu'actrice pour essayer de communiquer l'émotion d'un film. Rachid a raison, il faut donner à la jeunesse la mémoire et ce film contribuera comme d'autres à la mémoire de ce qu'il s'est passé dans l'Histoire. Donc moi je pense qu'il n'y a pas de problèmes pour des Français de traiter de ce sujet. Et rendez-vous aux spectateurs pour nous dire si on a eu tort !
Affa Broucha (télévision algérienne, également coproductrice du film) : Je voudrais m'adresser à Mme Chafia Boudraa que les aînés se souviennent pour sa superbe interprétation de Lalla Aïni dans El Hariq. Quels ont été vos rapports avec ces jeunes acteurs ? Est-ce que c'était le même qu'avec le petit Omar dans l'incendie ? Et retrouver Cannes après tant d'années, qu'est ce que ça vous fait ?
Chafia Boudraa : J'ai interprété le rôle de la mère. La mère du monde entier. La maman, c'est mes enfants. Mais moi j'ai une mère, c'est ma maison et ma terre. J'ai été là avec mes enfants, j'avais des douleurs à l'intérieur que je ne peux pas exprimer car je ne suis pas politicienne. Je ne peux pas m'exprimer car dans le film je parle en arabe et pas en français. Mais j'ai des douleurs qui sortent dans l'expression et l'intonation. Elle m'a posé la question d'Omar dans El Hariq. J'ai presque tout le temps interprété le rôle de la mère c'est pour cela que l'on m'a surnommé "la mère des Algériens". Mais moi je représente la mère du monde entier, une mère c'est une mère ! [Applaudissements]
Yasmine Oussi (quotidien La Tribune) : Le film a été accusé d'être négationniste, anti-français, mais on a beau chercher, on ne trouve pas. Par contre pour la première fois c'est un film qui est beaucoup plus dur à l'égard du FLN qu'on a pu l'être au cinéma. Je voulais savoir si des Algériens ont vu le film et comment ils réagissent ? On a entendu dire que Matignon aurait appelé le festival de Cannes dès le mois de novembre pour faire pression pour que le film ne soit pas sous pavillon français. Je voulais savoir comment vous réagissez vous en tant que réalisateur français de savoir que votre pays ne veut pas que votre film le représente.
Rachid Bouchareb : Non, c'est faux. La personne qui a dit cela a raconté un mensonge. Oui, il y a eu des pressions mais le film s'est présenté en tant que coproduction franco-algérienne et il pouvait représenter l'Algérie au festival de Cannes. Oui, il y a eu des pressions, tout cela a été manipulé. Mais en dehors de ça, mon film parle aussi de la violence politique. Le combat entre les trois frères. Saïd vous a répondu en disant que sa réponse à l'injustice vient du choix d'une voix radicalement différente. Abdelkader, lui, c'est le militant et c'est le bulldozer, pour qui rien ne peut arrêter la Révolution. Il amène son frère pour qui c'est un drame tout au long de son histoire que d'être baigné au milieu de la mort en permanence. Donc, c'est surtout cette violence politique liée non seulement à la Révolution algérienne mais à toutes les révolutions. A un moment donné, où doit-on aller pour attendre le but qui est la conquête de l'indépendance et de la liberté ? Et je n'invente rien. Un film comme Le Vent se lève exprime bien jusqu'où ça peut aller.
Mohammed Bouchaleb (Sahafa, Tunisie) : Tout d'abord merci Rachid pour tout le courage et la sincérité…
Rachid Bouchareb : Non ce n'est pas du courage ! C'est faire du cinéma, parce que c'est ça qu'il ne faut pas oublier : je suis cinéaste et il y a des acteurs formidables. Quand monsieur parle de Scorsese ou de Coppola, oui, c'est le cinéma. Ce n'est pas une histoire de courage quand on écrit le scénario avec Olivier Morel. On écrit une histoire et puis après, on va passer par 40 ans de repères historiques douloureux pour ceux qui les ont vécus. Mais c'est d'abord du cinéma ! Et c'est d'abord ça qui m'a motivé moi et les acteurs, ce n'est pas le courage.
Mohammed Bouchaleb : Je voulais savoir pourquoi Hors-la-loi comme titre du film ? Qui est hors la loi et de quelle loi s'agit-il ? Deuxième question : Tarak Ben Ammar que pouvez-vous nous dire sur les conditions de tournage en Tunisie et est-ce que le public tunisien aura l'occasion de regarder ce film ?
Rachid Bouchareb : La question, c'était le titre… (A Jamel Debbouze) Tu as été arrêté combien de fois ?
Jamel Debbouze : C'est lui qui dit ça ! La première fois qu'il a commencé le festival de Cannes, Rachid Bouchareb, c'était en garde à vue, racontes ! La raison pour laquelle il a appelé ce film hors-la-loi c'est par frustration personnelle !
Rachid Bouchareb : Non, dans les années 50, c'est ce que l'on trouvait dans la presse, les hors-la-loi, les terroristes. A force d'avoir fait ce voyage avec le scénariste, on a retrouvé très souvent à la bibliothèque l'expression "hors la loi" dans les archives…Et puis je voulais aussi que mon film soit un western et cela correspondait très bien !
Tarak Ben Ammar : Moi, je me sens très maghrébin dans les films. Quand Jean Bréhat et Rachid m'ont proposé de participer à ce film, j'avais regretté de n'avoir pas participé à Indigènes mais le destin m'a amené un deuxième film et notre ami Mustapha Orif qui représente le gouvernement algérien voulait que la Tunisie participe aussi. Et ça c'est le signal aussi, que tous les Maghrébins soient solidaires d'une histoire qui les touche. Regardez cette brochette de Marocains, Algériens, Tunisiens… Français ! Evidement nous étions ravis que les figurants les studios de Tunisie soient à la disposition d'un réalisateur franco-maghrébin. C'est ma politique depuis 30 ans, il faut aider les cinéastes, il a raison, ce n'est pas un film politique, c'est en passant par le cœur que l'on peut attendre la tête et que l'on peut ouvrir le débat.
Henri Béhar : Les trois producteurs sont des entités extrêmement fortes dans leur pays et dans leur industrie. Comment se sont reparties les tâches entres vous trois ?
Jean Bréhat : très simplement, un producteur délégué s'occupe de l'argent et donc d'aller pleurer partout. Tarak s'est occupé de mettre à notre disposition les studios qui nous ont permis de donner cette plus-value artistique au film. Monsieur Orif, producteur algérien, a permis de financer le film à 25 %, ce qui nous a permis de donner l'ampleur que je voulais au film. Notre seul but durant tout le film était la plus grande qualité artistique possible. Nous n'avions pas d'autres buts que de faire une œuvre d'un niveau si possible international.
Henri Béhar : Monsieur Orif est-ce que le financement de votre côté a été facile ou difficile à trouver ?
Mustapha Orif : On peut dire les deux, c'est-à-dire qu'il y a eu un financement qui a regroupé plusieurs intervenants et la plupart des gens sollicités étaient ravis de travailler avec Rachid car ils avaient vu Indigènes. Ils connaissent bien le travail de Rachid et savaient que c'est un cinéaste de qualité avec un casting de qualité. Donc ça a été relativement facile.
Rachid Bouchareb : Oui, et puis ce film s'est fait dans le cadre de l'accord de coproduction signé entre la France et l'Algérie. Que ce soit les ministères de la France ou de l'Algérie, ils ont eu le même scénario entre les mains et ils ont tous été d'accord de faire le même film, sans aucune polémique et contrairement à ce que l'on pourrait penser, en Algérie, on ne m'a jamais posé de problèmes par rapport à tout ce que j'ai pu écrire ! Et même si j'ai parlé de violence politique, on ne m'a pas demandé de changer une seule chose dans mon film. Je voulais le souligner parce qu'on pourrait avoir en tête que la censure peut être imposée là-bas. Moi, je ne l'ai pas vécue, en tout cas ce film a été coproduit par deux ministères sur la même idée, sur le même projet !
Sophia Bon (Sud-Ouest) : Une question toute simple : comment se fait-il que vous n'ayez pas tourné en Algérie ?
Rachid Bouchareb : Non, on a tourné en Algérie !
Jamel Debbouze : On a tourné en Algérie et en Tunisie, ainsi qu'en France et en Belgique. International !
Jacques de Bono (Radio Dialogue Marseille) : Votre film est-il historique ou engagé ? Deuxième question : comment pensez-vous que les pieds-noirs vont réagir en le voyant ?
Rachid Bouchareb : Moi, je ne peux pas me mettre à leur place. Ce que je voudrais dire aux pieds-noirs, c'est que quand moi, j'ai vu Le coup de Sirocco d'Alexandre Arcady, j'ai été vraiment très ému. J'ai vécu leur histoire, leur arrivée en France et le fait que la société française avait du mal à les accueillir. Chacun à son histoire dans la grande Histoire. Quand j'entends quelqu'un dire que sa grand-mère est morte dans les événements de la guerre d'Algérie, je comprends, c'est comme dans mon film. Mon film a de la place pour tout le monde, autant pour les pieds-noirs que pour les Algériens. Il n'est pas un film contre, pas du tout ! Il a le même esprit qu'Indigènes. Indigènes, ce n'était pas pour dire qu'il y a une injustice économique avec leurs frères d'armes français mais que dans le combat ils étaient des frères. Et dans ce film chacun a sa place, et comme l'a dit Chafia tout à l'heure, la douleur c'est l'histoire de toutes les mères. Voilà, c'est la meilleure réponse que l'on peut apporter.
Un présentateur de télévision et acteur égyptien : Pour vous les acteurs, comment s'est passée la coopération avec Rachid Bouchareb, surtout après avoir été primé pour à Cannes ? Monsieur Bouchareb, il est clair que vous avez traité de sujets politiques dans la plupart de vos films. Est-ce que vous ne pouvez pas vous tourner vers une comédie, un film romantique ou musical ?
Jamel Debbouze : C'est vrai que c'est compliqué de travailler avec Rachid Bouchareb pour pleins de raisons ! Déjà pour trouver un financement, quand ils nous voient arriver, ils ont l'impression de voir Al Qaïda cinéma. Ils sont méfiants ! Je ne dis pas que je le comprends mais je peux l'expliquer. C'est vrai qu'il est tellement pris par les sujets qu'il a envie de défendre qu'il n'en dort pas et pendant les tournages, il est vraiment très concentré et il ne nous fait pas de cadeau. Mais je suppose que c'est pour faire des économies, puisque c'est dur de monter un film avec Rachid Bouchareb.
Sami Bouajila : Il n'y a rien à ajouter ! Bon Rachid nous convie toujours à une petite expérience qui, au départ, s'annonce calme, tranquille, entre nous. Et puis on se fait dépasser par le truc. Mais il y a une complexité avec Rachid, avec nos partenaires, avec nos producteurs. Donc il y a tous les éléments qu'il faut pour pouvoir être créatif, en confiance et plus que bon enfant, c'est très positif. Indigènes ça nous a nourris, on récupère ce relais-là. Rachid nous parlait d'une perspective de suite et dans quel sens. Ensuite il est venu vers nous un peu plus rapidement que pour Indigènes avec une trame et trois archétypes bien campés, et ensuite nos instruments étaient bien accordés et on est parti dessus.
Jamel Debbouze : J'ai souvent entendu avant qu'on est jamais certain d'aller jusqu'au bout du projet avec 3B production, mais pendant le tournage, ils savent exactement ce qu'ils ont à faire. C'était un vrai bonheur de tourner dans les studios de Tarak. On faisait notre travail à huis-clos et y a pas mieux pour se concentrer. Donc, mis à part le financement, le tournage se passe toujours dans une ambiance formidable et Rachid sait exactement ce qu'il veut tirer de nous. C'est toujours un bonheur de travailler avec lui. Mais ce qui est tendu, c'est après. On a un avant et un après ! A chaque fois, c'est une expérience nouvelle et on en sort jamais indemne, et ça a toujours fait polémique avec Rachid. Mais force est de constater que c'est un réalisateur de son temps. Une polémique n'existe que si elle en résonance avec le présent, donc on est vraiment au cœur du débat. Après ce film-là, j'espère que ça nous aidera tous à passer à autre chose. Parce que j'avais besoin qu'on me raconte cette histoire-là dans le détail, j'ai le besoin de la raconter dans le détail à mon fils et j'ai besoin que l'on soit tous d'accord là-dessus. C'est indispensable, on l'avait déjà dit pour Indigènes, pour avoir de l'avenir, il faut bien faire le point sur le passé.
Une journaliste serbe : Avec Indigènes, vous avez voulu réparer une injustice faite aux anciens combattants maghrébins. Avec ce film, voulez-vous réparer une certaine injustice qui touche la mémoire historique de la France ?
Rachid Bouchareb : Non pas du tout. Non, le film est un voyage dans le passé colonial et comme l'a dit Jamel, s'il se passe des choses autour c'est qu'il est en résonance avec le présent. Pour moi, c'est aussi découvrir des choses quand je finis un film. C'est-à-dire comment vous la presse vous réagissez, comment le public réagit. Avec Indigènes, on voulait qu'une injustice soit réparée. Je voudrais souligner - et je fais un appel au Secrétaire d'Etat des Anciens combattants - pour dire que les promesses qui ont été faites aux anciens combattants n'ont pas été tenues. Donc si vous pouvez reprendre ça dans la presse, ça sera très bien. Vraiment !
Jamel Debbouze : Oui c'est très important. Une dernière chose que j'aimerais déclarer à la presse. Moi aussi je me suis fait violer par Roman Polanski quand j'avais 16 ans, j'aimerais que tout monde le sache. [rire général] Si vous voulez des détails voyez avec mon avocat Momo Debbouze.
Jean Serroy (Grenoble, Le Dauphiné) : Votre film est un film dans lequel l'Histoire est prise en charge par la fiction. Est-ce que dans ce dialogue peut-être un peu conflictuel ce qui l'a emporté c'est la fiction, le droit de la fiction ou le devoir d'Histoire ? Est-ce qu'il y a eu des aménagements, des compromissions, des ellipses ?
Rachid Bouchareb : Je crois que les historiens qui ont vu le film y ont trouvé des trucs intéressants. Ils ont dit que quand Coppola a fait Apocalypse Now, il n'a pas raconté dans le détail toute la guerre du Vietnam. Ce film, il est là, il est ouvert et le débat peut y aller. Car l'histoire, elle s'écrit encore. Les historiens me disent, jusqu'à hier soir : "mais sur Sétif, ce n'est pas fini, sur la guerre d'Algérie, ce n'est pas fini…" Eh bien si le film suscite un intérêt très large, eh bien c'est formidable ! Mais à l'arrivée, il faut aller vers quelque chose de vraiment apaisé et que ce soit terminé. La génération dont moi je fais partie et la génération des plus jeunes, comme disait Jamel tout à l'heure, ont besoin de savoir que ça y est, on passe à autre chose. La France ne peut pas se permettre de rester avec les anciennes colonies dans une situation aussi déséquilibrée. Ce sont des échanges et tout le monde doit s'exprimer et le film est fait pour ça. Moi, je n'ai pas à prendre en charge toute l'Histoire. Les historiens et les politiques ont un énorme travail à faire, et bien qu'ils le fassent pour que l'on tourne une page dans la sérénité. Je ne discuterai pas avec les gens qui veulent faire du film un champ de bataille et l'utiliser pour des raisons personnelles. Parce qu'il y a eu trop de violence dans le passé, il y en a dans mon film, mais on ne va pas en dehors de l'écran remettre ça encore aujourd'hui. Je ne comprends pas cette réflexion.
Jamel Debbouze : Après tout ce que j'ai pu lire ou entendre sur le sujet, je peux conclure personnellement sur le fait que la République et la colonie ne font pas forcément bon ménage. Et on peut aussi considérer que ce en sont pas les hommes politiques qui écrivent l'Histoire mais les hommes, donc allons chercher et renseignons-nous sur notre Histoire commune avant de dire n'importe quoi, c'est super important.
A la table, les producteurs Jean Bréhat (France), Tarak Ben Ammar (Tunisie) et Mustapha Orif (Algérie), le réalisateur Rachid Bouchareb et les acteurs Jamel Debbouze, Chafia Boudraa, Sami Bouajila et Roschdy Zem. On trouvera ci-dessous la retranscription intégrale de la conférence qui s'est tenue le 21 mai au Palais des festivals, qui a été modérée par Henri Béhar.
Hugues Dayé (RTBF, chaîne belge en coproduction sur le film) : Monsieur Bouchareb, quel est votre sentiment sur le fait que votre film montré à Cannes suscite autant de remous 50 ans après les faits ?
Rachid Bouchareb : Je ne suis qu'à moitié surpris. Non par tout ce qui a été mis en place pour que la projection se passe bien et dont je voudrais remercier d'abord Thierry Frémaux qui à permis que le film soit là. Je sais qu'il a subi des pressions. Je tenais à le dire. Je suis surpris car ce film est voué à ouvrir un débat dans la sérénité. Il n'est pas un champ de bataille et n'est pas fait pour mettre en place un affrontement. Je savais que du fait du passé colonial, les relations entre la France et l'Algérie restent très tendues. Ça, je le savais. Mais que ça suscite une telle violence autour du film, j'estime que c'est exagéré. Que sans avoir vu le film, on dise autant de choses ! Bon, j'ai été un peu attristé, peiné, car il est là pour ouvrir un débat et qu'enfin tout le monde puisse s'exprimer autour du film et que demain une page se tourne. Pour que la France et l'Algérie trouvent enfin une sérénité. Il n'y a aucune raison que les générations d'après héritent du passé. Il y a un abcès que le film permet aujourd'hui de crever. C'était ma volonté de départ mais les choses se sont enchaînées comme ça. Mais l'abcès est percé. Maintenant ouvrons le débat, dans la sérénité !Tout le monde peut s'exprimer car le passé colonial de la France doit être débattu pour aller vers autre chose. Maintenant, que le film ait été emmené dans cette direction, j'en suis aujourd'hui très content. Mais pour aller où ? Pour aller vers des choses positives. Il y avait eu quelques voix pour dire qu'Indigènes était anti-français mais c'était faux. Le public, qui est allé voir le film et en a fait un succès, a bien vu que rien ne venait confirmer cette fausse rumeur. Cette fois-ci c'est pareil. Qu'on voie le film et qu'on ne dise pas qu'il est anti-français. Le spectateur, qu'il soit Français, Algérien ou du reste du monde, verra bien que dans mon film il n'y a pas du tout d'animosité.
Fatou Kaba (journaliste à Disney Channel) : C'est une question pour Jamel Debbouze.
Jamel Debbouze : J'étais sûr ! Disney Channel ! Que j'étais venu pour faire la polémique ! [rire général] Je vous écoute.
Fatou Kaba : Tu es passionné de boxe dans le film. Est-ce que tu aurais pu envisager une carrière dans ce sport et te sens-tu proches de Saïd, ton personnage ?
Jamel Debbouze : La boxe, j'y ai longtemps pensé. Mais pour des raisons qui me sont propres, j'ai décidé de faire autre chose. Et oui, c'est quelque chose à laquelle j'ai très longtemps pensé, et je ne me souviens plus du reste de la question !
Henri Béhar : Et ce que tu t'identifies au personnage de Saïd ?
Jamel Debbouze : Euh, oui.
Henri Béhar : Mais au-delà de "oui", peux-tu un peu élaborer ?
Jamel Debbouze : C'est ce j'allais faire si tu me laissais faire ! Oui pour plein de raisons car c'est un personnage un petit peu en marge de l'histoire, qui ne rentre pas pleinement dans la Révolution, et je pense que certainement c'est quelque chose que j'aurais choisi de faire personnellement. Parce que ça fait mal, ça pique la Révolution. J'ai vu ce que ça avait fait comme dégâts au sein de cette famille et au sein de nombreuses familles en Algérie et je comprends facilement les gens qui n'ont pas participé à cette bagarre parce que ça les submergeait. Mais en même temps ils n'ont pas eu d'autres alternatives et comme tout le monde, ils ont été pris par les flots de l'Histoire. Je me sens assez proche du personnage pour pleins de raisons : il aime beaucoup sa mère.
Henri Béhar : La question peut aussi être posée aux deux autres frères. Vous identifiez-vous à votre personnage, plus que d'habitude ?
Roschdy Zem : Non, mais c'est vrai que ces trois personnages sont des entités vraiment différentes. Le personnage de Saïd est plutôt intéressé par le monde des affaires, du business. Abdelkader est un personnage que l'on va qualifier d'intellectuel de la famille. Et le mien, c'est le bras armé qui n'hésite pas à supprimer des éléments dérangeants. Donc vous comprenez bien qu'il est difficile pour moi de m'identifier à ce personnage.
Jamel Debbouze : C'est Roschdy qui est en charge de toutes les questions gênantes.
Roschdy Zem : Mais en revanche, c'est parce que j'ai beaucoup de mal à m'identifier que j'ai pris beaucoup de plaisir à l'interpréter. Et toi Sami ?
Sami Bouajila : Non, je ne me sens pas proche de mon personnage. Après, le seul clin d'œil, c'est que Abdelkader a beaucoup de points communs avec l'autre Abdelkader, à savoir cette énergie, cette détermination, cette conscience politique naissante qui va le dépasser, ça c'est quelque chose avec Rachid qu'on a pu continuer.
Emmanuel Mounir (Beur FM) : D'abord je voudrais vous remercier pour ce film scorsesien et coppolien. J'aurais deux questions. Monsieur Bouchareb, comment expliquez-vous que l'Amérique a une réactivité immédiate par rapport à son histoire et que la France, 50 ans après les faits, est toujours d'une grande frilosité.
Rachid Bouchareb : 65 ans pour le début du film.
Emmanuel Mounir : Et quant à vous, Monsieur Bouajila, vous avez endossé un rôle assez politique et je pense à des émotions telles que Denzel Washington dans Malcom X. Il avait dit dans une interview qu'il en ressortait différent, voire grandi, et il disait qu'il y avait un avant et un après Malcom X. Alors pour vous, y a-t-il un avant et un après Abdelkader ?
Sami Bouajila : En toute modestie, Denzel Washington, tout ça, euh, un avant un après, non je ne sais pas ! Bon pour essayer de trouver une divergence avec Monsieur Washington que j'apprécie énormément… Ne nous leurrons pas. Il y a un lien entre nous autres, acteurs d'origine maghrébine, Français, qui sommes nés ici, à travers un film écrit par quelqu'un qui a la même complicité que nous, à savoir la même histoire. Oui, bien évidement qu'inconsciemment, on va trouver des espaces à travers lesquels on va pourvoir se déverser, prendre la parole, s'approprier, fantasmer, dans le sens où quand moi je m'approprie Abdelkader, j'aimerais bien savoir quel son Abdelkader pourrait apporter, toutes proportions gardées, il dégage quelque chose de visionnaire. On aimerait bien nous autres que dans notre société on puisse se servir de notre mixité, de notre métissage comme un atout et non comme quelque chose qui nous tire vers le bas, qui nous plombe, qui ne soit pas compris ou en tout cas qui, pour le moment en tout cas, parasite plus qu'autre chose. Pour ne pas dire stigmatise. Donc quand on a cette unité-là, c'est bien de pouvoir se l'approprier mais toujours au service du personnage, de la situation, du film. Bon après, j'ai le sentiment d'avoir déjà commencé un travail avec cette donne-là, avec l'Abdelkader d'Indigènes. Donc c'est un background sur lequel on se penche et à travers mon travail qui m'a permis aussi de savoir finalement qui l'on est, d'où l'on vient et de notre histoire. Bon et j'ai oublié la question de départ par rapport à Denzel, mais à mon avis c'est ça la différence.
Rachid Bouchareb : C'est intéressant comme question mais c'est peut-être aux sociologues ou à je ne sais quel spécialiste de nous dire pourquoi il y a des difficultés en France un demi-siècle après à faire des voyages dans le passé et pourquoi si souvent il y a des réticences.
Henri Béhar : Tarak Ben Ammar vous avez produit des films dans pratiquement tous les pays du monde et toutes les langues du monde. Avez-vous l'impression que la France est particulièrement réticente par rapport aux autres pays ?
Tarak Ben Ammar : Une minorité en France est réticente. Mais regardons les faits, on est à Cannes, le plus grand festival du monde, c'est la France qui accueille ce film, c'est la France qui l'a cofinancé, coproduit. Cela veut dire que la plupart des gens n'ont pas de problèmes avec le passé. Moi je pense que l'on a eu une polémique équivalente sur le fait que la France allait accueillir La Passion du Christ que j'ai fait et distribué. Ce que l'on a vu comme l'a dit Rachid, c'est que c'est le public qui va nous juger. Et le public sera je pense nombreux. Et qu'est ce qu'on voit ici à cette table ? La grandeur de la France et du Maghreb. Vous avez des Français d'origine marocaine, algérienne, tunisienne. Comme l'a dit Rachid, la plaie de la colonisation est restée pendant longtemps fermée et vous avez les héritiers. Nous avons ici à cette table une grande dame qui est une grande actrice, que la jeunesse ne connaît pas et qui a été une grande militante de la lutte pour la libération algérienne, et son mari est un martyr. Eh bien, elle est là en tant qu'actrice pour essayer de communiquer l'émotion d'un film. Rachid a raison, il faut donner à la jeunesse la mémoire et ce film contribuera comme d'autres à la mémoire de ce qu'il s'est passé dans l'Histoire. Donc moi je pense qu'il n'y a pas de problèmes pour des Français de traiter de ce sujet. Et rendez-vous aux spectateurs pour nous dire si on a eu tort !
Affa Broucha (télévision algérienne, également coproductrice du film) : Je voudrais m'adresser à Mme Chafia Boudraa que les aînés se souviennent pour sa superbe interprétation de Lalla Aïni dans El Hariq. Quels ont été vos rapports avec ces jeunes acteurs ? Est-ce que c'était le même qu'avec le petit Omar dans l'incendie ? Et retrouver Cannes après tant d'années, qu'est ce que ça vous fait ?
Chafia Boudraa : J'ai interprété le rôle de la mère. La mère du monde entier. La maman, c'est mes enfants. Mais moi j'ai une mère, c'est ma maison et ma terre. J'ai été là avec mes enfants, j'avais des douleurs à l'intérieur que je ne peux pas exprimer car je ne suis pas politicienne. Je ne peux pas m'exprimer car dans le film je parle en arabe et pas en français. Mais j'ai des douleurs qui sortent dans l'expression et l'intonation. Elle m'a posé la question d'Omar dans El Hariq. J'ai presque tout le temps interprété le rôle de la mère c'est pour cela que l'on m'a surnommé "la mère des Algériens". Mais moi je représente la mère du monde entier, une mère c'est une mère ! [Applaudissements]
Yasmine Oussi (quotidien La Tribune) : Le film a été accusé d'être négationniste, anti-français, mais on a beau chercher, on ne trouve pas. Par contre pour la première fois c'est un film qui est beaucoup plus dur à l'égard du FLN qu'on a pu l'être au cinéma. Je voulais savoir si des Algériens ont vu le film et comment ils réagissent ? On a entendu dire que Matignon aurait appelé le festival de Cannes dès le mois de novembre pour faire pression pour que le film ne soit pas sous pavillon français. Je voulais savoir comment vous réagissez vous en tant que réalisateur français de savoir que votre pays ne veut pas que votre film le représente.
Rachid Bouchareb : Non, c'est faux. La personne qui a dit cela a raconté un mensonge. Oui, il y a eu des pressions mais le film s'est présenté en tant que coproduction franco-algérienne et il pouvait représenter l'Algérie au festival de Cannes. Oui, il y a eu des pressions, tout cela a été manipulé. Mais en dehors de ça, mon film parle aussi de la violence politique. Le combat entre les trois frères. Saïd vous a répondu en disant que sa réponse à l'injustice vient du choix d'une voix radicalement différente. Abdelkader, lui, c'est le militant et c'est le bulldozer, pour qui rien ne peut arrêter la Révolution. Il amène son frère pour qui c'est un drame tout au long de son histoire que d'être baigné au milieu de la mort en permanence. Donc, c'est surtout cette violence politique liée non seulement à la Révolution algérienne mais à toutes les révolutions. A un moment donné, où doit-on aller pour attendre le but qui est la conquête de l'indépendance et de la liberté ? Et je n'invente rien. Un film comme Le Vent se lève exprime bien jusqu'où ça peut aller.
Mohammed Bouchaleb (Sahafa, Tunisie) : Tout d'abord merci Rachid pour tout le courage et la sincérité…
Rachid Bouchareb : Non ce n'est pas du courage ! C'est faire du cinéma, parce que c'est ça qu'il ne faut pas oublier : je suis cinéaste et il y a des acteurs formidables. Quand monsieur parle de Scorsese ou de Coppola, oui, c'est le cinéma. Ce n'est pas une histoire de courage quand on écrit le scénario avec Olivier Morel. On écrit une histoire et puis après, on va passer par 40 ans de repères historiques douloureux pour ceux qui les ont vécus. Mais c'est d'abord du cinéma ! Et c'est d'abord ça qui m'a motivé moi et les acteurs, ce n'est pas le courage.
Mohammed Bouchaleb : Je voulais savoir pourquoi Hors-la-loi comme titre du film ? Qui est hors la loi et de quelle loi s'agit-il ? Deuxième question : Tarak Ben Ammar que pouvez-vous nous dire sur les conditions de tournage en Tunisie et est-ce que le public tunisien aura l'occasion de regarder ce film ?
Rachid Bouchareb : La question, c'était le titre… (A Jamel Debbouze) Tu as été arrêté combien de fois ?
Jamel Debbouze : C'est lui qui dit ça ! La première fois qu'il a commencé le festival de Cannes, Rachid Bouchareb, c'était en garde à vue, racontes ! La raison pour laquelle il a appelé ce film hors-la-loi c'est par frustration personnelle !
Rachid Bouchareb : Non, dans les années 50, c'est ce que l'on trouvait dans la presse, les hors-la-loi, les terroristes. A force d'avoir fait ce voyage avec le scénariste, on a retrouvé très souvent à la bibliothèque l'expression "hors la loi" dans les archives…Et puis je voulais aussi que mon film soit un western et cela correspondait très bien !
Tarak Ben Ammar : Moi, je me sens très maghrébin dans les films. Quand Jean Bréhat et Rachid m'ont proposé de participer à ce film, j'avais regretté de n'avoir pas participé à Indigènes mais le destin m'a amené un deuxième film et notre ami Mustapha Orif qui représente le gouvernement algérien voulait que la Tunisie participe aussi. Et ça c'est le signal aussi, que tous les Maghrébins soient solidaires d'une histoire qui les touche. Regardez cette brochette de Marocains, Algériens, Tunisiens… Français ! Evidement nous étions ravis que les figurants les studios de Tunisie soient à la disposition d'un réalisateur franco-maghrébin. C'est ma politique depuis 30 ans, il faut aider les cinéastes, il a raison, ce n'est pas un film politique, c'est en passant par le cœur que l'on peut attendre la tête et que l'on peut ouvrir le débat.
Henri Béhar : Les trois producteurs sont des entités extrêmement fortes dans leur pays et dans leur industrie. Comment se sont reparties les tâches entres vous trois ?
Jean Bréhat : très simplement, un producteur délégué s'occupe de l'argent et donc d'aller pleurer partout. Tarak s'est occupé de mettre à notre disposition les studios qui nous ont permis de donner cette plus-value artistique au film. Monsieur Orif, producteur algérien, a permis de financer le film à 25 %, ce qui nous a permis de donner l'ampleur que je voulais au film. Notre seul but durant tout le film était la plus grande qualité artistique possible. Nous n'avions pas d'autres buts que de faire une œuvre d'un niveau si possible international.
Henri Béhar : Monsieur Orif est-ce que le financement de votre côté a été facile ou difficile à trouver ?
Mustapha Orif : On peut dire les deux, c'est-à-dire qu'il y a eu un financement qui a regroupé plusieurs intervenants et la plupart des gens sollicités étaient ravis de travailler avec Rachid car ils avaient vu Indigènes. Ils connaissent bien le travail de Rachid et savaient que c'est un cinéaste de qualité avec un casting de qualité. Donc ça a été relativement facile.
Rachid Bouchareb : Oui, et puis ce film s'est fait dans le cadre de l'accord de coproduction signé entre la France et l'Algérie. Que ce soit les ministères de la France ou de l'Algérie, ils ont eu le même scénario entre les mains et ils ont tous été d'accord de faire le même film, sans aucune polémique et contrairement à ce que l'on pourrait penser, en Algérie, on ne m'a jamais posé de problèmes par rapport à tout ce que j'ai pu écrire ! Et même si j'ai parlé de violence politique, on ne m'a pas demandé de changer une seule chose dans mon film. Je voulais le souligner parce qu'on pourrait avoir en tête que la censure peut être imposée là-bas. Moi, je ne l'ai pas vécue, en tout cas ce film a été coproduit par deux ministères sur la même idée, sur le même projet !
Sophia Bon (Sud-Ouest) : Une question toute simple : comment se fait-il que vous n'ayez pas tourné en Algérie ?
Rachid Bouchareb : Non, on a tourné en Algérie !
Jamel Debbouze : On a tourné en Algérie et en Tunisie, ainsi qu'en France et en Belgique. International !
Jacques de Bono (Radio Dialogue Marseille) : Votre film est-il historique ou engagé ? Deuxième question : comment pensez-vous que les pieds-noirs vont réagir en le voyant ?
Rachid Bouchareb : Moi, je ne peux pas me mettre à leur place. Ce que je voudrais dire aux pieds-noirs, c'est que quand moi, j'ai vu Le coup de Sirocco d'Alexandre Arcady, j'ai été vraiment très ému. J'ai vécu leur histoire, leur arrivée en France et le fait que la société française avait du mal à les accueillir. Chacun à son histoire dans la grande Histoire. Quand j'entends quelqu'un dire que sa grand-mère est morte dans les événements de la guerre d'Algérie, je comprends, c'est comme dans mon film. Mon film a de la place pour tout le monde, autant pour les pieds-noirs que pour les Algériens. Il n'est pas un film contre, pas du tout ! Il a le même esprit qu'Indigènes. Indigènes, ce n'était pas pour dire qu'il y a une injustice économique avec leurs frères d'armes français mais que dans le combat ils étaient des frères. Et dans ce film chacun a sa place, et comme l'a dit Chafia tout à l'heure, la douleur c'est l'histoire de toutes les mères. Voilà, c'est la meilleure réponse que l'on peut apporter.
Un présentateur de télévision et acteur égyptien : Pour vous les acteurs, comment s'est passée la coopération avec Rachid Bouchareb, surtout après avoir été primé pour à Cannes ? Monsieur Bouchareb, il est clair que vous avez traité de sujets politiques dans la plupart de vos films. Est-ce que vous ne pouvez pas vous tourner vers une comédie, un film romantique ou musical ?
Jamel Debbouze : C'est vrai que c'est compliqué de travailler avec Rachid Bouchareb pour pleins de raisons ! Déjà pour trouver un financement, quand ils nous voient arriver, ils ont l'impression de voir Al Qaïda cinéma. Ils sont méfiants ! Je ne dis pas que je le comprends mais je peux l'expliquer. C'est vrai qu'il est tellement pris par les sujets qu'il a envie de défendre qu'il n'en dort pas et pendant les tournages, il est vraiment très concentré et il ne nous fait pas de cadeau. Mais je suppose que c'est pour faire des économies, puisque c'est dur de monter un film avec Rachid Bouchareb.
Sami Bouajila : Il n'y a rien à ajouter ! Bon Rachid nous convie toujours à une petite expérience qui, au départ, s'annonce calme, tranquille, entre nous. Et puis on se fait dépasser par le truc. Mais il y a une complexité avec Rachid, avec nos partenaires, avec nos producteurs. Donc il y a tous les éléments qu'il faut pour pouvoir être créatif, en confiance et plus que bon enfant, c'est très positif. Indigènes ça nous a nourris, on récupère ce relais-là. Rachid nous parlait d'une perspective de suite et dans quel sens. Ensuite il est venu vers nous un peu plus rapidement que pour Indigènes avec une trame et trois archétypes bien campés, et ensuite nos instruments étaient bien accordés et on est parti dessus.
Jamel Debbouze : J'ai souvent entendu avant qu'on est jamais certain d'aller jusqu'au bout du projet avec 3B production, mais pendant le tournage, ils savent exactement ce qu'ils ont à faire. C'était un vrai bonheur de tourner dans les studios de Tarak. On faisait notre travail à huis-clos et y a pas mieux pour se concentrer. Donc, mis à part le financement, le tournage se passe toujours dans une ambiance formidable et Rachid sait exactement ce qu'il veut tirer de nous. C'est toujours un bonheur de travailler avec lui. Mais ce qui est tendu, c'est après. On a un avant et un après ! A chaque fois, c'est une expérience nouvelle et on en sort jamais indemne, et ça a toujours fait polémique avec Rachid. Mais force est de constater que c'est un réalisateur de son temps. Une polémique n'existe que si elle en résonance avec le présent, donc on est vraiment au cœur du débat. Après ce film-là, j'espère que ça nous aidera tous à passer à autre chose. Parce que j'avais besoin qu'on me raconte cette histoire-là dans le détail, j'ai le besoin de la raconter dans le détail à mon fils et j'ai besoin que l'on soit tous d'accord là-dessus. C'est indispensable, on l'avait déjà dit pour Indigènes, pour avoir de l'avenir, il faut bien faire le point sur le passé.
Une journaliste serbe : Avec Indigènes, vous avez voulu réparer une injustice faite aux anciens combattants maghrébins. Avec ce film, voulez-vous réparer une certaine injustice qui touche la mémoire historique de la France ?
Rachid Bouchareb : Non pas du tout. Non, le film est un voyage dans le passé colonial et comme l'a dit Jamel, s'il se passe des choses autour c'est qu'il est en résonance avec le présent. Pour moi, c'est aussi découvrir des choses quand je finis un film. C'est-à-dire comment vous la presse vous réagissez, comment le public réagit. Avec Indigènes, on voulait qu'une injustice soit réparée. Je voudrais souligner - et je fais un appel au Secrétaire d'Etat des Anciens combattants - pour dire que les promesses qui ont été faites aux anciens combattants n'ont pas été tenues. Donc si vous pouvez reprendre ça dans la presse, ça sera très bien. Vraiment !
Jamel Debbouze : Oui c'est très important. Une dernière chose que j'aimerais déclarer à la presse. Moi aussi je me suis fait violer par Roman Polanski quand j'avais 16 ans, j'aimerais que tout monde le sache. [rire général] Si vous voulez des détails voyez avec mon avocat Momo Debbouze.
Jean Serroy (Grenoble, Le Dauphiné) : Votre film est un film dans lequel l'Histoire est prise en charge par la fiction. Est-ce que dans ce dialogue peut-être un peu conflictuel ce qui l'a emporté c'est la fiction, le droit de la fiction ou le devoir d'Histoire ? Est-ce qu'il y a eu des aménagements, des compromissions, des ellipses ?
Rachid Bouchareb : Je crois que les historiens qui ont vu le film y ont trouvé des trucs intéressants. Ils ont dit que quand Coppola a fait Apocalypse Now, il n'a pas raconté dans le détail toute la guerre du Vietnam. Ce film, il est là, il est ouvert et le débat peut y aller. Car l'histoire, elle s'écrit encore. Les historiens me disent, jusqu'à hier soir : "mais sur Sétif, ce n'est pas fini, sur la guerre d'Algérie, ce n'est pas fini…" Eh bien si le film suscite un intérêt très large, eh bien c'est formidable ! Mais à l'arrivée, il faut aller vers quelque chose de vraiment apaisé et que ce soit terminé. La génération dont moi je fais partie et la génération des plus jeunes, comme disait Jamel tout à l'heure, ont besoin de savoir que ça y est, on passe à autre chose. La France ne peut pas se permettre de rester avec les anciennes colonies dans une situation aussi déséquilibrée. Ce sont des échanges et tout le monde doit s'exprimer et le film est fait pour ça. Moi, je n'ai pas à prendre en charge toute l'Histoire. Les historiens et les politiques ont un énorme travail à faire, et bien qu'ils le fassent pour que l'on tourne une page dans la sérénité. Je ne discuterai pas avec les gens qui veulent faire du film un champ de bataille et l'utiliser pour des raisons personnelles. Parce qu'il y a eu trop de violence dans le passé, il y en a dans mon film, mais on ne va pas en dehors de l'écran remettre ça encore aujourd'hui. Je ne comprends pas cette réflexion.
Jamel Debbouze : Après tout ce que j'ai pu lire ou entendre sur le sujet, je peux conclure personnellement sur le fait que la République et la colonie ne font pas forcément bon ménage. Et on peut aussi considérer que ce en sont pas les hommes politiques qui écrivent l'Histoire mais les hommes, donc allons chercher et renseignons-nous sur notre Histoire commune avant de dire n'importe quoi, c'est super important.